Patients face au cancer : comprendre et faire valoir ses droits aux soins de support

28 juillet 2025

Les soins de support désignent l’ensemble des soins et des accompagnements complémentaires destinés à améliorer la qualité de vie des personnes malades et de leurs proches tout au long du parcours cancérologique : dès l'annonce du diagnostic et jusqu’après la fin des traitements. Leur finalité : prévenir ou limiter les effets secondaires des traitements, réduire la souffrance psychologique, préserver la dignité et l’autonomie, favoriser la réinsertion.

  • Soutien psychologique individuel et collectif
  • Accompagnement diététique et nutritionnel
  • Activité physique adaptée
  • Soins socio-esthétiques et prise en charge de l'image de soi
  • Accompagnement social (aide administrative, retour à l'emploi, soutien aux proches, accès aux droits...)
  • Gestion de la douleur, prise en charge de la fatigue
  • Soutiens complémentaires : sophrologie, musicothérapie, art-thérapie…

Ces soins de support sont aujourd’hui intégrés dans la stratégie nationale de lutte contre le cancer depuis le Plan Cancer 2003-2007, enrichis et consolidés par les plans qui ont suivi (notamment le Plan Cancer 2014-2019 et la Stratégie décennale 2021-2030, source : INCa).

En France, bénéficier de soins de support n’est pas une faveur : c’est un droit. Celui-ci est notamment fixé par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, dite Loi Kouchner, qui affirme le droit de toute personne malade à recevoir des soins permettant de soulager sa douleur et à bénéficier d’un accompagnement social et psychologique.

Depuis l'arrêté du 24 février 2005, l’offre de soins de support constitue une exigence obligatoire pour tous les établissements lors de la prise en charge d’un patient atteint de cancer. La circulaire DGOS/PF3/2014/380 du 31 décembre 2014 (sources : Légifrance, Ministère de la Santé) rappelle que les établissements hospitaliers autorisés pour le traitement du cancer doivent garantir systématiquement :

  • Un accès à au moins trois soins de support majeurs : la prise en charge de la douleur, le soutien psychologique, le soutien diététique et nutritionnel.
  • Une information sur la totalité de l’offre de soins de support disponible, y compris extra-hospitalière.

Le Plan Cancer a permis la création des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP), au cours desquelles est établi un Projet Personnalisé de Soins (PPS) : chaque patient doit en bénéficier et y être associé, avec information sur les soins de support adaptés à sa situation.

Pour illustrer : en 2019, selon l’INCa, près de 90 % des établissements autorisés pour la cancérologie organisaient un accès à un soutien psychologique, mais seuls 45 % proposaient un accompagnement à la réhabilitation physique post-traitement (Organisation des soins de support en oncologie, INCa, 2020).

L’offre de soins de support, d’après le dispositif réglementaire, doit être accessible :

  • A chaque étape du parcours : depuis l’annonce du diagnostic jusqu’à la rémission, mais aussi lors des soins de surveillance ou en situation palliative.
  • Sur proposition de l’équipe soignante : les soins de support doivent être discutés systématiquement en RCP et notifiés dans le PPS. Le médecin référent a le devoir d’informer le patient de ses droits et des possibilités offertes.
  • Sur demande du patient ou de son entourage : chaque personne a la liberté de solliciter des soins de support, de refuser, d’adapter le rythme ou la nature de la prise en charge.

Concrètement, il s’agit d’un droit d’accès mais aussi d’un droit de choix : le patient doit être acteur de son parcours, et peut exiger de l’information, demander à rencontrer un psychologue, un diététicien, un assistant social, etc.

Depuis 2017, l’agence nationale Santé publique France a recensé plus de 900 structures proposant ces accompagnements sur le territoire – maisons de santé, plateformes d’accompagnement, réseaux associatifs (Santé.fr).

L’accès effectif aux soins de support dépend fortement du pilotage par le médecin référent et la coordination de l’équipe de soins. Selon l’INCa, la mention des soins de support dans le Projet Personnalisé de Soins reste sous-utilisée : seul un patient sur deux en bénéficie vraiment (INCa, 2022).

Le médecin (ou l’infirmier de coordination, selon l’établissement) est responsable d’évoquer, dès le diagnostic, les questions de douleur, de soutien mental, d’alimentation, etc. Il doit orienter vers les ressources disponibles en fonction de la situation individuelle :

  • Évaluation systématique de la douleur et des besoins psychologiques
  • Orientation vers des professionnels spécialisés (psychologue, assistant social, diététicien…)
  • Coordination avec les intervenants en réseau, y compris hors hôpital

Chaque patient peut – et doit – être informé de ses droits lors des consultations, à travers un document individuel (le PPS), le livret d’accueil de l’établissement, ou des séances d’éducation thérapeutique. Si ce n’est pas le cas, il est conseillé de demander explicitement la liste des soins disponibles.

Certains dispositifs élargissent ou renforcent l’accès aux soins de support pour des publics particuliers :

  • Enfants/Adolescents : les AJA (adolescents et jeunes adultes) disposent dans certains centres de référents dédiés, avec une attention renforcée à la scolarité et au soutien psychologique (Unicancer).
  • Soins palliatifs : dans ce contexte, l’ensemble du panel des soins de support est reconnu comme partie intégrante du droit à la dignité et à l’accompagnement (article L1110-10 du Code de la santé publique).
  • Retour à la vie active : dispositifs APTITUDE ou « Cafés Retour à l’emploi » proposent soutien social, ateliers spécialisés, conseils juridiques (source : Ligue contre le cancer).
  • Patients précaires ou en situation d’isolement : la complémentarité avec les services sociaux (CCAS, Associations) est organisée pour ne pas laisser ces personnes sans accompagnement.

Malgré le dispositif légal, il arrive que des patients ne se voient pas proposer les soins de support auxquels ils ont droit. Plusieurs options s’offrent à eux :

  1. Solliciter une information écrite : demander la liste complète des soins de support disponibles et leur accès auprès de l’établissement, par le service des usagers ou l’accueil.
  2. Interroger le médecin référent ou l'infirmier coordinateur lors d’une consultation dédiée, et mentionner toute difficulté rencontrée.
  3. Faire appel au Délégué du Défenseur des droits : chaque établissement de santé a pour obligation d’afficher les coordonnées de ces médiateurs indépendants, accessibles en cas de non-respect des droits du patient.
  4. Saisir la Commission des Usagers (CDU) de l’établissement, qui examine les plaintes et peut formuler des recommandations.
  5. Contacter une association nationale ou locale (Ligue contre le cancer, RoseUp, EuropaDonna…) qui offre écoute, conseil, voire accompagnement juridique.

En 2023, selon le rapport annuel du Défenseur des droits, plus de 600 saisines ont concerné des difficultés d’accès à des droits relatifs à l’accompagnement (dont 28% liées à la non-information ou à une absence d’offre de soins de support).

Les droits des patients aux soins de support se jouent bien sûr dans le système de santé, mais l’ancrage associatif en France est crucial. Plus de 700 associations proposent chaque année des ateliers, aides ou permanences bénéfiques, souvent gratuites. Quelques exemples emblématiques :

  • La Ligue contre le cancer : réseau de permanences, accompagnement individuel, dispositifs d’aides sociales et ateliers bien-être
  • RoseUp : information, ateliers socio-esthétiques, café des patientes, programme de retour à l’emploi
  • EuropaDonna : soutien spécifique pour les cancers du sein
  • Maisons des Usagers, plateformes INFOCANCER, dispositifs territoriaux d’appui (DAC)…

Prendre connaissance de ses droits, solliciter les équipes, exiger une information transparente : être acteur de son parcours de santé en cancérologie passe aussi par la défense de ses droits aux soins de support. Trop de patients, chaque année, passent à côté d’aides essentielles simplement parce qu’ils n’ont pas été informés, ou n’ont pas osé demander.

Le contexte légal évolue régulièrement : de nouveaux dispositifs voient le jour, les équipes se forment davantage, le virage « patient-partenaire » s’affirme. En France, le droit à la qualité de vie sous cancer est aujourd’hui considéré comme fondamental. Oser le faire valoir, c’est déjà reprendre prise sur son quotidien et sa santé.

Pour aller plus loin :

Chacun a le droit non seulement d’être soigné, mais bien d’être accompagné de façon globale, digne et humaine.